Soeur Marie Reginald de l'Enfant Jésus

Au monastère de Lourdes

1997 - 1994

 

I. Les grandes étapes

Henriette Chilo est née le 1er juin 1889 à Pau. Elle perdit son père très jeune et sa mère se remaria. Mais celle-ci mourut à son tour en donnant naissance à deux jumeaux. Henriette avait huit ans et cette mort fit une profonde blessure dans son cœur. Elle fut placée, avec ses sœurs, à l’orphelinat des Filles de la Charité de Pau, séparées de leurs petits frères. Ce n’est qu’après de longues recherches que sœur Marie Réginald retrouvera leurs traces, trente ans plus tard. Toutes ces séparations et la vie austère de l’orphelinat avivèrent sa sensibilité.

Elle rencontra à l’orphelinat une fillette de six ans plus âgée qu’elle, Jeanne Leuge, qui deviendra son amie, une amie donnée par le Seigneur. Toutes les deux entrèrent au monastère de Nay, puis vinrent ensemble à Lourdes.

Sortie de l’orphelinat à dix-huit ans, Henriette attendit plusieurs années pour entrer à Nay, sur le conseil de son confesseur. Elle devint postulante à vingt-cinq ans et fit profession le 25 mars 1926. Elle vécut dans l’effacement, la régularité, le recueillement, avec une dévotion particulière pour le saint Enfant Jésus de Prague. A son effacement s’ajoutait une surdité qui s’aggravait d’année en année, occasionnant de continuels bourdonnements d’oreille.

En 1972, lorsque les moniales furent dispersées au moment de la fermeture du monastère de Nay, Sœur Marie-Réginald désirait en secret venir au monastère de Lourdes, « à cause de la sainte Vierge ». Quelle ne fut pas sa joie quand on lui dit qu’elle irait à Lourdes ! Elle y trouva une cellule d’où elle pouvait voir les sanctuaires et le parvis de la Grotte et s’unir aux célébrations et à la vie des pèlerinages.

Mais on ne peut parler de sœur Marie Réginald sans parler de sa prière pour les prêtres. Elle a été consumée pour le sacerdoce.

II. Le secret

Sœur Marie-Réginald et le P. Perrin (Lourdes, 4 mars 1989) Pour comprendre le pourquoi de sa prière pour les prêtres, il faut remonter à mai 1914. Un jeune garçon de dix ans percevait alors l’appel au sacerdoce pendant la retraite préparatoire à la communion solennelle. C’était le futur Père Perrin . L’enfant était en passe de devenir aveugle et les lois ecclésiastiques ne permettaient pas qu’un aveugle devienne prêtre. Mais le désir continuait à être là.

Le mois suivant, alors qu’elle était en récréation dans son orphelinat, Henriette, qui avait alors quinze ans, entendit elle aussi un appel dans son cœur : le Seigneur lui demandait si elle accepterait de prendre en charge spirituellement un petit aveugle qui serait prêtre :

— “Tu viens de prier pour tous les petits enfants qui font la communion cette année ; parmi eux, j’ai un petit aveugle, je veux qu’il soit prêtre. Je te confie cette petite âme. Veux-tu l’aider à monter au Saint Autel ? C’est cette âme que je veux. Quand il sera prêtre, il m’offrira beaucoup d’hosties. Tu seras mon hostie qu’il offrira ; veux-tu l’aider, me le donner ?”

— “Mon Jésus, s’il est aveugle, il ne pourra pas être prêtre ? Comment faire pour répondre à ton désir ?”

— “Donne-toi à moi et laisse-toi faire”

— “Oui Jésus, je me donne à toi pour l’âme que tu veux, pour l’aider à monter au Saint Autel…”

Joie profonde, journée du ciel (9 juin 1916).

Henriette porta dès lors cette intention dans le secret de son cœur.

Plus tard, alors qu’elle était déjà au monastère de Nay, brusquement, un Samedi Saint, le 20 mars 1929, elle entendit la voix intérieure lui dire : « Il est prêtre ». C’était le jour de l’ordination du P. Perrin. Elle redoubla de prière et d’offrande.

Bien plus tard encore, au mois de juillet 1937, le P. Perrin vint prêcher la retraite conventuelle à Nay. Il venait alors de fonder l’Institut séculier des Petites sœurs de Sainte-Catherine qui, pour entrer dans les vues de Pie XI, prendrait le nom de « Caritas Christi ». Et les premières jeunes filles se préparaient par une retraite qui devait commencer le 4 août. Le P. Perrin n’avait pu se dégager de sa promesse de prêcher la retraite annuelle aux sœurs de Nay. « Au moment où l’on ouvrait les grilles du chœur pour la première instruction, sœur Marie-Réginald entendit la même voix lui dire : “C’est lui !” Elle attendit son tour d’aller au parloir pour tout lui dire ».

Depuis ce jour-là, une profonde amitié et une communion d’âme se nouèrent entre le religieux aveugle et la moniale complètement sourde ; elles s’approfondirent d’année en année. « Sœur Marie-Réginald ne cessa plus de porter “Caritas Christi” dans sa prière et, ajoute le Père : “vis-à-vis de moi, c’est avec un bel esprit de foi qu’elle n’a cessé de voir en moi le prêtre, le prêtre de son amour”. » Retirée à l’infirmerie pendant les dernières années de sa vie, elle ne cessait de prier son rosaire pour l’Eglise, le monde et surtout les petits enfants et les prêtres. Elle s’est éteinte le 14 mai 1994. Les membres de « Caritas Christi » la regardent comme la co-fondatrice de leur institut : on touche ici du doigt la force de la prière cachée d’une moniale toute simple.

 

Mon Dieu chéri, j’unis ma vie à la tienne, pour accomplir ton dessein sur mon âme.

Tout au nom de Jésus et de ses mérites infinis. Sans toi, Jésus, je ne puis rien.

Jésus Amour, je sais bien que tu me permets d’étendre davantage le but de ma vie religieuse.

Aussi je te prie pour toutes les âmes qui sont sur la terre, en particulier pour les prêtres.

Après ma mission à remplir, c’est pour eux que je veux m’immoler au service du Bon Dieu.

Je te prie encore pour toutes mes petites sœurs du monde et aussi pour toutes mes compagnes de l’orphelinat de X » (Jeudi saint 1929).

Marie-Joseph Perrin, né le 30.07.1905, profession le 18.03.1924, décédé le 13.04.2002.